Passions

L’écriture a cette façon de vous surprendre, de vous confronter à vous même et quand on croit la contrôler c’est finalement elle qui vous contrôle. Peut-on faire de l’écriture un but dans la vie,  et pourquoi le faire ? Cela n’a jamais été et ne sera jamais un choix. Il n’y a pas de libre arbitre quand la grâce vous touche.  Mais je reviens sur mes premiers mots, et ceci est extrêmement important. L’écriture (en Haïti) a cette façon de vous surprendre.  Parce que tôt ou tard elle se mue en engagement, elle devient la conscience d’une conscience, le moteur et l’âme d’une machine qui carbure à la passion.  L’écriture nous enlève toute possibilité d’une vie paisible, l’écriture est l’antidote au déni d’existence.  Puisque devant nos yeux elle voit pour nous, d’où une double vision.  Voir la vie sous la vie. L’écriture est l’antidote au désespoir quand le présent nous regarde et se meurt sous nos yeux. L’écriture s’écrit alors elle-même et s’engage et nous engage. Engagement de créer une mémoire, de buriner notre refus du désespoir sur la face du temps, ligne après ligne, mot après mot.  Une sculpture de sang que nous offrons comme un symbole de résistance aux frères et aux sœurs, passagers du même radeau fragile.  Résistance qui est passion, comme respirer est   passion. Celle qui demeure, nous brûle mais demeure. Nous consume mais demeure. Nous exalte et demeure. Une passion qui ne s’éteint qu’avec le dérèglement de la raison ou le dernier souffle, peu importe l’ordre de leur arrivée.